Wednesday, May 21, 2008

Arrêtez cette violence absurde : Quelques questions autour de la chasse aux étrangers en Afrique du Sud.

Je voudrais ici partager un certain nombre des questions qui me passent à l’esprit au vu du spectacle que nous présentent nos frères Noirs sud africains depuis quelques jours.

Tout d’abord, le rappel des faits. Je ne vais pas remonter à la situation d’il y a dix ans, lorsque deux étrangers ont été attaqués et tués dans un train par des Noirs sud africains sur l’axe Pretoria-Johannesburg. Je vais également faire l’économie des faits très récents des Townships de Mamelodi et Soshanguve, près de Pretoria, pour m’arrêter aux événements d’Alexandra, un Township du Nord de Johannesburg. Nous sommes le 11 mai 2008. A l’origine, des groupes des résidants de ce Township, sortis nuitamment d’une réunion, ont commencé subitement à s’attaquer aux étrangers (principalement des Zimbabwéens) qui avaient intégré cette communauté. Les medias ont tout de suite dénoncé des pillages des biens, des viols et la mort de deux personnes, dont un Sud africain. Les raisons derrière ces attaques, c’est la compétition pour des ressources limitées : emplois et habitats. Les étrangers étaient accusés de prendre tous les jobs des Sud africains et bénéficier des logements (de la part du gouvernement sud africain) au détriment des nationaux. Par conséquent, seul leur départ immédiat pouvait constituer une solution au problème de taux élevé de chômage dans le pays, soit 40 %. Certains habitants de ce Township n’ont pas hésité à affirmer qu’ils allaient « nettoyer le pays » (d’après une expression utilisée par le quotidien sud africain, The Citizen, de Mardi 13 mai 2008) parce que le gouvernement a trop trainé à résoudre la question du flux d’immigrants étrangers.

Ce qui a initialement commencé comme des attaques xénophobiques le 11 mai à Alexandra a curieusement dégénéré en véritable déchaînement des violences contre les étrangers à travers tout Johannesburg et ses périphéries, allant des pillages, d’enlèvements, aux tueries.

Malheureusement, face à ce déchaînement de violence la réaction des institutions en place a été, à mon sens, timide et inefficace. Si le Président Mbeki ainsi que Jacob Zuma, Président de l’ANC, ont condamné les violences en appelant leurs populations au calme et en instituant une Commission d’enquête pour connaître « ce qui ou celui qui serait derrière cette barbarie », il m’a semble qu’il y a eu très peu des moyens mis en place pour dissuader les assaillants.

Lorque je compare, par exemple, les déploiements des éléments de la Police dans ces violences à ceux qu’on a vu lors des protestations organisées par COSATU (le principal syndicat du pays) ou d’autres syndicats, il n’y a aucun doute que très peu de moyens ont été déployés pour arrêter cette spirale de violence qui vient de faire déjà plus de 30 morts. Plutôt que d’engager des actions musclées en aval pour sauver des vies humaines, le Président Mbeki a préféré agir en amont en constituant sa Commission d’enquête comme s’il fallait aller chercher la « cause » loin de son cabinet ou de sa politique gouvernementale. Et lorsque l’opposition, le DA (Democratic Alliance), a lance l’idée de déployer l’armée (la SANDF) pour appuyer la Police, Mbeki a reconnu que la Police pouvait contenir la situation. Mais pourquoi ne l’a-t-elle pas fait à temps ? Pourquoi ne pouvait-on pas éviter cette criminalité, en laissant des pauvres innocents être brulés vifs ? Y aurait-il une quelconque complicité du gouvernement dans cette affaire ?

Je ne voudrais nullement me constituer en juge tant la question est complexe ; mais je ne peux comprendre la timidité et la lenteur avec laquelle le gouvernement Mbeki est intervenu. Notez que c’est après quatre jours depuis les événements d’Alexandra que Mbeki est apparu à la télé pour réagir à la situation. Heureusement, dans un Communiqué publié ce lundi 19 mai 2008, Monsieur Mbeki a compris qu’il était temps de parler en termes clairs: « Les citoyens d'autres pays d'Afrique et au-delà sont des humains comme nous et méritent d'être traités avec respect et dignité ».

Respect de la dignité humaine, voila ce que nous exigeons de nos frères Sud africains. Si leurs jobs, leurs logements, leurs femmes sont importants, la vie de n’importe quel individu (fut-il immigrant illégal) ne peut être négociée. Si l’Afrique du Sud veut nettoyer son territoire, qu’elle le fasse dans le droit et le respect de la dignité humaine. Seulement, quand l’étranger qui aura servi de bouc-émissaire sera parti, vers qui va-t-on se tourner ? Ce sera probablement le tour de l’ANC ou alors le moment sera venu de poser les vraies questions pour des solutions appropriées aux problèmes du pays.


Il est donc temps de poser les vraies questions.

N’est-il pas trop simpliste de décrire le problème de chômage dans le pays en pointant du doigt les étrangers ? Pourquoi ne pas aborder la question dans une perspective plus globale de manière à ouvrir à des alternatives plus efficaces et durables ? Pourquoi les Sud Africains ne veulent pas interroger leur gouvernement, interroger ses politiques ? Pourquoi ne veulent-ils pas interroger l’ANC et lui demander de leur rendre compte de ses promesses électorales ? Pourquoi les étrangers seraient-ils plus responsables que le gouvernement ?


Quelle image au reste du monde ?

Dans deux ans, l’Afrique du Sud va accueillir le reste du monde. Quelle image ces violences transmettent au reste du monde ? Il y a une semaine, le PDG de l’Agence sud africaine de Tourisme prétendait que l’Afrique du Sud sera présentée au monde comme la « Terre d' Ubuntu » (humanité). On se demande si les violences auxquelles nous assistons aujourd’hui traduisent encore cet « ubuntu ».

(In the wake of the ongoing violence and xenophobia in and around Gauteng, South Africa, I have been wondering : « Is it not too simplistic to describe, for instance, the issue of unemployment by pointing the finger at foreign nationals ? is it not that the issue requires a braod perspective that can then create a platform for sustainable alternatives ? Why should foreign nationals be more accountable than the citizens, the South African government, or the ruling party, the ANC ? And when one looks at the nature of the violence itself, what image is South Africa conveying to the rest of the world two years before the Soccer World Cup ? Where is the spirit of ‘Ubuntu’, which is going to be the motto of the country to the rest of the World, according to the CEO of TourismSA?)

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